Un mal irréparable
Lionel Duroy
En librairie dès le 20 août 2025
À la fin d’une vie couronnée de succès, l’écrivain Frédéric Riegerl découvre que ses parents lui ont menti. Ils lui ont délibérément caché les tortures que leur ont infligées les communistes roumains au début des années cinquante. Ils lui ont toujours fait croire que son histoire a commencé à leur arrivée en France. Il avait sept ans. Quelle vie aurait été la sienne s’il avait su la vérité ? Aurait-il connu une autre destinée si ses parents n’avaient pas cru légitime de lui dissimuler le cauchemar qu’ils ont enduré ? Cette question ne va plus cesser de l’obséder.


Lionel Duroy est l’auteur de plus d’une quinzaine de romans dont Le Chagrin (prix François-Mauriac, prix Marcel-Pagnol), L’Hiver des hommes (prix Renaudot des Lycéens et prix Joseph-Kessel) et Eugenia (prix Anaïs-Nin)…
photo © DR
Extrait
Impossible d’atterrir à Kiev avec la guerre, j’ai donc pris un billet d’avion pour Bucarest et réservé une voiture à l’aéroport. De là, il ne me restera que cinq cents kilomètres à parcourir pour atteindre Czernowitz (Tchernivtsi, aujourd’hui, puisque la ville est désormais en Ukraine).Pour la première fois, au soir de ma vie, je vais donc voler en direction de l’est, vers « le goulag », aurait dit mon père. Le mot était apparu au début des années 1970 quand avait été publié en France le livre d’Alexandre Soljenitsyne L’Archi-pel du Goulag. Ma mère parlait, elle, de la « terreur rouge » qu’incarnait à ses yeux « le » Russe. Je ne voulais pas me moquer, mais je souriais en moi-même quand ils s’accor-daient pour prédire qu’un jour « l’armée de Moscou » fran-chirait les frontières et transformerait toute l’Europe en un immense camp de concentration, comme elle l’avait déjà fait derrière le « rideau de fer » ou Bulgares, Roumains, Polo-nais, Tchèques, Allemands de l’Est, etc., mouraient de faim et étaient abattus comme des chiens s’ils tentaient de s’en-fuir. Je n’y croyais pas, je souriais, oui, mais qu’a fait l’armée de Moscou le 24 février 2022 ? Elle a attaqué l’Ukraine !
Certes, le communisme a cessé d’exister, à Berlin le mur est tombé dans la nuit du 9 au 10 novembre 1989, abattu par une foule en liesse, les « pays de l’Est » se sont affran-chis du rideau de fer, mais le Russe, communiste ou non, n’a rien perdu de son agressivité et qui saurait dire, une fois l’Ukraine vaincue, s’il ne va pas, en effet, étendre sa guerre de colonisation a toute l’Europe ?
J’étais dans un taxi pour Roissy, nous roulions depuis dix minutes, quand le souvenir des photos m’a frappé au cœur – comment avais-je pu les oublier ? « Pardonnez-moi, mon-sieur, mais je dois retourner chez moi… Vous m’attendrez si vous voulez bien… Ce ne sera pas long. » J’avais déjà pris leur photo de mariage, mais pourquoi pas les autres ? De mémoire, il y en avait plusieurs de leur maison et de leur vie à Orşova, dans le Banat roumain, avant et après ma naissance – en juillet 1949. Et puis une seule de cette drôle de chaumière au toit de jonc, ou de roseaux, qu’ils appelaient « la maison de campagne du Bărăgan » et devant laquelle nous posions tous les quatre, curieusement habillés de vêtements rapié-cés : Elena et Josef, ma petite sœur, Angelica, et moi. C’était d’ailleurs l’unique photo ou figurait Angelica, morte très tôt, à deux ou trois ans. L’album était rangé dans la commode de leur chambre, j’avais découvert son existence lorsque je les avais interrogés sur Angelica dont l’image, parfois, me reve-nait. À quelle maladie avait-elle succombé ? Ils m’avaient semblé ne pas trop savoir, puis soudain ma mère s’était levée et elle était reparue avec ce cahier d’écolier à la couverture cartonnée marron dans lequel ils avaient collé leurs quelques tirages de ce temps-là. « La voici, mon chéri, avait-elle dit en me la désignant. Angelica est morte dans cette maison du Bărăgan, ton père et moi avons eu une peine immense, tu t’en doutes, et nous avons essayé de t’en protéger. »
J’avais compris que si cet album était un trésor aux yeux de mes parents, il leur était douloureux de le feuilleter. À la mort de mon père je l’avais remisé dans le tiroir du bas de mon bureau avec leur correspondance amoureuse et un tas d’autres documents que je n’avais pas eu envie de lire.
L’album est bien là, un instant je tergiverse, le souffle court d’avoir grimpé trop vite les trois étages, et puis je glisse tout le contenu du tiroir dans mon sac de voyage. De nouveau dans le taxi, tandis que nous fonçons vers l’aéroport, je re-grette ma précipitation : j’emporte dans un pays en guerre, ou se produisent chaque jour des bombardements, la vie intime de mes parents, sans doute ce qu’ils m’ont laissé de plus précieux. Czernowitz est loin du front, c’est vrai, mais pas plus que Kiev que les drones et les missiles russes at-teignent sans difficulté.
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