Éclipses

Daphné Vanel

En librairie le 13 mars 2024

Comme à son habitude, elle a pris le volant de son autobus, mais au lieu de tourner à droite en sortant de l’entrepôt, elle est partie à gauche. Où vont les autobus quand ils n’ont pas d’itinéraire ? Ils roulent. Le long des rues, des places, des avenues. Ils s’aventurent dans des campagnes où ils n’ont rien à y faire. Et des gens montent à bord car c’est à cela que servent les transports en commun. Ils exigent qu’on les conduise là où leur désir les appelle. Les conducteurs d’autobus ne sont pas autorisés à demander aux passagers pourquoi ils tiennent tant à se rendre à tel ou tel endroit. Et c’est bien dommage.
En embarquant dans l’autobus de Daphné Vanel, vous apprendrez qu’en regardant les autres, en les écoutant sans chercher à les juger, le monde change de couleur, l’espace et le temps se matérialisent, le banal disparaît, le rire se mêle aux larmes et la vie vibre comme vibrent les cordes des violoncelles.

Éclipses

Daphné Vanel

En librairie le 13 mars 2024

Comme à son habitude, elle a pris le volant de son autobus, mais au lieu de tourner à droite en sortant de l’entrepôt, elle est partie à gauche. Où vont les autobus quand ils n’ont pas d’itinéraire ? Ils roulent. Le long des rues, des places, des avenues. Ils s’aventurent dans des campagnes où ils n’ont rien à y faire. Et des gens montent à bord car c’est à cela que servent les transports en commun. Ils exigent qu’on les conduise là où leur désir les appelle. Les conducteurs d’autobus ne sont pas autorisés à demander aux passagers pourquoi ils tiennent tant à se rendre à tel ou tel endroit. Et c’est bien dommage.
En embarquant dans l’autobus de Daphné Vanel, vous apprendrez qu’en regardant les autres, en les écoutant sans chercher à les juger, le monde change de couleur, l’espace et le temps se matérialisent, le banal disparaît, le rire se mêle aux larmes et la vie vibre comme vibrent les cordes des violoncelles.

Après,Jusqu’à la mer (2023) Éclipses est le deuxième roman de Daphné Vanel

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Extrait

Au feu, j’ai tourné à gauche.

Le premier arrêt de la ligne a disparu doucement dans le rétroviseur. Quelques personnes attendaient déjà. Elles ont regardé le bus s’éloigner en sens inverse d’un air surpris. Dans la rue, devant chaque maison, des tas de sacs-poubelle humides reposaient sur le trottoir, petites rangées de trophées fétides qui semblaient dire : « Une semaine est passée, ici. » Les façades étaient sombres et muettes. J’ai continué à rouler.

Une camionnette blanche m’a dépassée en trombe. Il faut toujours se méfier des camionnettes blanches. Il n’y a rien de plus dangereux sur la route qu’une camionnette blanche.

Il était tôt. J’ai regardé les gens qui marchaient dans la rue. Certains avaient de l’allure, d’autres non. Un pas traînant, le cou long, la lèvre molle. J’en ai vu un qui bâillait la bouche grande ouverte, et ça m’a fait bâiller aussi. J’ai continué à rouler. Une réverbération venue de nulle part m’est arrivée droit dans l’œil. Ça se produit tout le temps quand je conduis, même quand il n’y a pas de soleil. Et ça reste imprimé au fond de la rétine pendant des heures. Je ne réussis jamais à savoir d’où ils viennent ces reflets.

J’ai regardé dans le rétroviseur les sièges vides derrière moi. Ça m’a fait une drôle d’impression. J’ai songé à la vieille dame de l’arrêt no 3, celle avec les petits pieds plats, qui ne composte jamais son ticket. Je suis sûre qu’elle réutilise ses sachets de thé plusieurs fois avant de les jeter. Une fois, je suis passée devant cet arrêt-là en voiture, je pensais à autre chose et je me suis arrêtée devant. Par habitude. J’ai ouvert la portière et je suis restée là quelques minutes, à attendre que les gens montent, avant de me rendre compte.

Je pourrais encore rattraper ma route habituelle. Reprendre le trajet à l’arrêt suivant, celui devant le multiplex. Il y aurait juste quelques minutes de retard. Personne ne le saurait vraiment. Personne ne se plaindrait.

J’ai continué à rouler.

En librairie dès le 13 mars 2024

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