Le lit clos
Sophie Brocas
En librairie dès le 15 janvier 2025
Lorsqu'en novembre 1924, la colère explose dans le port de Douarnenez, Louise, la Républicaine à la voix prodigieuse, est l'une des meneuses qui vont entraîner 3 000 ouvrières des sardineries dans ce qui restera la plus grande grève féministe du XXe siècle. Parmi elles, Rose, une jeune paysanne catholique. Contre les cadences infernales, les salaires de misère, les enfants exploités, le combat est juste. Pour obtenir ce franc de l'heure tant espéré, ces femmes dociles et résignées vont se révéler capables de toutes les audaces. Louise et Rose, entraînées dans ce vertige libérateur, vont même oser s'aimer. Aussi différentes soient-elles, elles découvrent dans le lit clos, l'ivresse de jouir de son corps comme de sa pensée. Mais le joug social reste le plus fort. Une fois la fièvre de la grève retombée, l'éducation, la tradition et la religion reprennent leurs droits. Tandis que Louise refuse de renoncer à cette liberté si durement gagnée et s'enfuit à Paris pour vivre sa vie de femme libre, Rose, effrayée, ne songe qu'à rejoindre les rangs des mères de famille soumises. Chacune poursuivra son chemin singulier jusqu'au jour où la vie les mettra de nouveau face à face.


Sophie Brocas
Sophie Brocas est haut-fonctionnaire. Après La Sauvagine (2021), Le Lit clos est son cinquième roman.
Photo © Maxime Reychman
Extrait
La contremaîtresse surveillait les gestes, la cadence, décomptait les pièces loupées. Le poisson était déposé dans un panier d’osier, les intestins et la tête jetés dans le seau pour fabriquer des appâts. Les étêteuses enchaînaient les gestes à une vitesse folle. Les emboîteuses, enfin, venaient coucher, bien serrées, les sardines dans les boîtes de fer-blanc avant de les sertir. Et puis il y avait Rose. À l’huilage, celle-ci se concentrait sur sa pyramide de boîtes qu’elle remplissait d’huile à l’aide de son flacon de fer-blanc. Deux cent cinquante pour le matin, avait dit la contremaîtresse. Mais Rose n’avait pas l’habitude de compter jusqu’à 250. Marie, sa voisine de table, voyant la débutante hésiter, lui livra la formule :
— Tu viens d’où ? lui demanda-t-elle.
— De Tréboul, murmura Rose.
— Tu sais compter jusqu’à 10 ?
— Bien sûr, répondit Rose en rougissant à l’idée qu’on ait pu la croire illettrée.
— Alors, c’est simple. Ta pyramide, c’est vingt-cinq boîtes. Pas une de plus, pas une de moins. Donc, tu fais dix pyramides et tu auras tes deux cent cinquante boîtes. Tu vois, c’est simple.
— Merci, dit Rose qui poursuivit son travail d’équilibriste.
Dans l’usine, ça riait, ça s’interpellait, ça papotait. Rose n’entendait rien, toute à sa tâche qu’elle voulait réussir.
Puis, soudain, survint l’inattendu, l’instant prodigieux. Les ouvrières se mirent à chanter. Trois cents cœurs, trois cents lèvres, trois cents respirations d’un seul et même souffle. Un chœur de femmes puissant, fervent, passionné. Un refrain qui vous prenait aux tripes, vous collait des frissons des pieds à la tête, vous donnait l’envie immédiate d’en être, vous faisait appartenir à cette humanité-là, vivante, forte, indestructible. Un refrain entonné par trois cents femmes, chaloupé comme un corps-à-corps, plein de l’intensité des premiers émois amoureux d’une jeune fille crédule retracés dans l’une de ces chansons sur un « enlèvement d’eau » qu’adoraient les sardinières.
En librairie dès le 15 janvier 2025
Autre livre à paraître
Autres livres
chez Mialet-Barrault
Azincourt, un joli nom de village, le vague souvenir d’une bataille perdue. Ce 25 octobre 1415, il pleut dru sur l’Artois. Quelques milliers de soldats anglais qui ne songent qu’à rentrer chez eux se retrouvent pris au piège par des Français en surnombre.
En librairie dès le 26 mars 2025.
Dany Cohn-Bendit raconte à lui seul une histoire de la France, une histoire de l’Allemagne, une histoire de l’Europe. Depuis le temps qu’on l’entend commenter, s’indigner, applaudir, conseiller, parler à l’oreille des puissants et débattre avec tout le monde, on croit tout connaître de lui. Mais que sait-on du regard qu’il porte sur lui-même ?
Pour la première fois, il se confie sur l’histoire de ses parents, émigrés juifs allemands à l’origine de son identité nomade, sur son statut d’icône de Mai 68 dont il a joui autant que souffert, sur son rôle dans les expérimentations de la nouvelle société allemande et dans l’évolution des Verts, sur ses vingt ans de combat...
Avec Marion Van RenterghemUne déambulation souriante au milieu des êtres et des choses.
La véritable élégance ne connait pas les modes. Le dernier cri est celui que vous inventerez demain, au hasard de votre humeur et de votre fantaisie. Chargé d’émotions contradictoires, il jouera sur des tonalités dissonantes et ce bruit léger pourtant grave vous fera venir aux lèvres sourires et sanglots. Rares sont les écrivains qui savent dire ces choses. Jacques A. Bertrand est de ceux-là. Dans ce recueil de textes où s’expriment tout son talent et sa liberté d’esprit, il vous invite à le suivre dans une déambulation souriante au milieu des êtres et des choses.Quelle heure est-il ? Ils ont dit treize heures. Dans huit heures exactement. Exactement je n’en sais rien. Exactement ce serait à la seconde près. Au millième de seconde près. Tous ces mots que l’on emploie par facilité, alors qu’on ne sait rien ! On suppose, on certifie, on croit que… quelle fumisterie ces mots-là.



